Instagram : la nostalgie, du réel au virtuel

Véritable boom à la fin des années 2000, le vintage fait aujourd’hui partie intégrante des codes esthétiques. La mode est cyclique, on ne vous apprendra rien. Après les seventies, qui ont fait et font toujours sensation, voilà que les eighties pointent le bout de leur nez (retour de la new wave, adoration du vieux matériel informatique, etc). Car si elles ne ne paraissent pas si lointaines, n’oublions pas que c’était déjà…il y a 30 ans. En matière de vintage, j’aime toujours prendre l’exemple des applis “Instagram Like”. Forte de ses 100 millions d’utilisateurs, l’application de partage et retouche de photos occupe aujourd’hui une place de choix au panthéon des outils de partage.

La particularité d’Instagram réside dans le fait de proposer une sélection de filtres rétro à appliquer sur ses photos, dans le but de leur donner un aspect Polaroid, Instamatic ou encore Lomo. Très pratiques et donnant rapidement un cachet certains aux clichés, les filtres d’Instragram s’inscrivent parfaitement dans la mouvance “néostalgique” propre aux années 2010. Pour rappel, la néostalgie consiste en un habile mélange entre “nostalgie” et modernité. Un dock pour iPad en forme de borne d’arcade, ou un jeu 2D “rétrogaming” utilisant les technologies d’aujourd’hui pour offrir plus de richesses, plus de profondeur de champ, plus d’interactivité, en font partie.

Mais au delà de l’aspect purement rétro des filtres, ces derniers permettent surtout de donner une authenticité à la photo, qui est devenu en l’espace d’une décennie un support de plus en plus dématérialisé. Et qui dit dématérialisé dit impalpable (exceptée bien-sûr la valeur sentimentale) : le temps n’aura jamais d’effet sur une photo numérique. Avec le temps qui passe, une photo papier verra ses couleurs passer, son papier jaunir et une odeur si particulière se développer. Le succès d’Instagram réside tout juste dans cette possibilité de donner une authenticité et un cachet à des photos pourtant toutes récentes. Car c’est bien cela que beaucoup recherchent à l’heure actuelle : de l’authenticité. Difficile quand on est jeune et qu’on a le sentiment que la vie ne nous promet un avenir ni tendre ni radieux..

old-car-photo
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Se pose ici pourtant la question de la légitimité de cette authenticité : peut-on décemment vieillir artificiellement un cliché pris avec un Smartphone, là où il aurait fallu attendre un processus de 30 ans avec une “vraie” photo ? Imaginons un instant faire la même chose avec le vin…quelles seraient les réactions ? Instagram n’a pourtant pas échappé aux critiques des puristes, accusant l’application de donner le sentiment à n’importe qui d’être un bon photographe, et plus grave encore, de tuer complètement l’authenticité et le cachet des véritables clichés anciens. Autre reproche : celui d’être l’application favorite des Hispsters (que tout le monde aiment à détester) , dont une des habitudes est de photographier leur assiette avant de passer à table.

instagram-socialmatic-camera-11
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Pourtant, les arguments en la faveur de l’application ne manquent pas : la qualité encore assez relative des appareils photos qui équipent les téléphones, le partage instantané, le fort taux d’engagement social pour les marques, la possibilité de toucher un large public avec ses clichés… Plus étonnant encore, il semblerait qu’Instagram ait décidé de prendre le contre-pied …en matérialisant un produit qui dématérialisait pourtant quelque chose de bien palpable. il est en effet possible d’acquérir un appareil photo signé Polaroid aux couleurs d’Instagram, doté d’une fonction d’impression. La boucle semble donc bel et bien bouclée. Et vous, que préférez vous ? Le charme d’une authentique photo qui a pris le temps de vieillir ? Ou le simple partage de photos ultra-stylisées ?

+ @Leo_Solal